mercoledì 13 settembre 2023

Seisme au Maroc - Tahar Ben Jelloun

 

Tahar Ben Jelloun – Les pauvres, premières victimes










L’écrivain franco-marocain, né à Fès, évoque les victimes du tremblement de terre qui a frappé la région de Marrakech, et le drame qui endeuille tout un pays.

Le séisme qui a frappé le sud du Maroc est de magnitude 7 sur l'échelle de Richter. Plus puissant que le tremblement de terre qui avait été une grande tragédie en 1960 à Agadir (5,7) ou à Al Hoceïma en 2004 (6,3). La magnitude est également plus élevée que celle qui a frappé le Japon ou la Chine récemment. Les secousses ont été ressenties dans plusieurs villes du pays, notamment à Rabat, Essaouira, Casablanca, Tiznit, et jusque dans les pays voisins. L'épicentre a été localisé à 30,92 degrés de latitude nord et 8,42 degrés de longitude ouest, selon le Centre de recherche allemand pour les géosciences (GFZ).

Situé dans la région du Haouz, grenier du Maroc, dans la commune d'Ighil, ce tremblement de terre a fait plus de 1 000 morts et 672 blessés, et l'on craint que le nombre de victimes ne cesse d'augmenter. La fameuse place Jemaa el-Fna a été touchée. Un minaret est tombé. Tout ce qui a été construit sans précautions antisismiques a été touché. Même si les secours sont arrivés rapidement, la panique est visible dans la ville de Marrakech et ses alentours alors que beaucoup d'habitants sont encore sous les décombres.

Les Marocains se souviennent ou ont entendu parler d'Agadir, qui a été rayée de la carte un matin de 1960. C'est un drame qui fait partie de la mémoire du pays et dont l'histoire est transmise de génération en génération. Pour les plus anciens, le souvenir d'Agadir est là. Et il fait encore peur. Une fatalité contre laquelle on ne peut rien. Sauf que, depuis 1960, toutes les constructions modernes obéissent aux règles antisismiques pour résister aux tremblements de terre. Ces précautions n'ont cependant pas été respectées par les paysans, souvent pauvres et non informés des risques de séisme.

Ils pensent que la vie et la mort sont entre les mains de Dieu et que, contre la volonté divine, personne ne peut rien. Dans la région du Haouz, les maisons qui sont tombées sur leurs occupants à 23 h 11 sont des maisons traditionnelles, simples, souvent faites en pisé. Il en est ainsi dans toutes les campagnes marocaines. Le séisme a fait s'écrouler toutes les constructions traditionnelles dans les campagnes et aussi dans la médina de Marrakech. Par peur des répliques, les gens sont sortis dans les rues, et certains ont dormi dans des parcs, loin de toute construction.

On assiste à des scènes de panique tout à fait compréhensibles. Désolation et impuissance malgré les secours qui ont été très rapides sur les lieux. J'ai appelé de la famille à Casablanca et à Marrakech. Les gens ont bien ressenti le séisme. Ils ont eu peur et sont descendus dans la rue. Après avoir passé la nuit dehors, ils sont rentrés chez eux, inquiets.

Les pauvres n'ont pas pensé au séisme

Les interprétations irrationnelles vont bon train. Le séisme est un avertissement d'Allah, voire une punition car la morale n'est plus respectée. C'est la mentalité des gens du peuple croyants et fatalistes. Mais le Maroc est traversé par des plaques tectoniques qui bougent. On le sait, mais on oublie qu'un jour ces plaques vont s'entrechoquer et provoquer un grand séisme.

En soixante ans, le pays a été frappé deux fois au sud, une fois au nord. On peut dire que le Maroc est prévenu. De peur des répliques, les gens sont désemparés et errent dans les rues de Marrakech, même si les constructions tombées sont loin de la ville, à part quelques murs dans la médina et la place Jemaa el-Fna.

Ce sont les pauvres qui meurent en premier. Pauvres parce qu'ils vivent à la campagne, construisent leurs maisons avec leurs mains, utilisant des matériaux précaires, du pisé, de l'argile. Ils n'ont pas pensé au séisme. Et ce sont eux qui gisent sous les décombres des maisons construites de leurs mains.

Par Tahar Ben Jelloun

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